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vendredi 11 mai 2012

Compléments Alimentaires - Attention à la dose !


Compléments Alimentaires - Attention à la dose !

Dr Paule Nathan (endocrinologue, nutritioniste, médecin du sport )

La prise de compléments alimentaires est devenue banale dans le monde sportif.
Ces produits bénéficient aussi d'un intérêt croissant dans la population générale,du fait d'une société où 'optimisation des performances et de la forme est recherchée. Les ventes sont en plein essor, avec plus de 15 % de développement du marché par an. Ils sont assimilés à des produits naturels,donc dénués de nocivité. Ainsi, plusieurs produits sont souvent consommés concomitamment. Ce phénomène doit pourtant être pris en compte, car ces compléments alimentaires contiennent essentiellement des vitamines,des minéraux,des oligoéléments et des protéines, dont l'apport excessif et continu de certains peut avoir un effet délétère sur l'organisme. Peu de médecins ont conscience des mégadoses prises par leurs patients. De plus, les conditions d'achat qui se développent via Internet ou "sous le manteau" dans les salles de sport excluent les garanties de qualité et de sécurité des produits imposées par les normes européennes.


DÉFINITION
En France,le décret du 15 avril 1996 avait commencé à donner une définition des compléments alimentaires : « Les compléments alimentaires sont des produits destinés à être ingérés en complément de l'alimentation courante,afin de palier l'insuffisance réelle ou supposée des apports journaliers. »
La directive européenne 2002/46/CE du Parlement et du Conseil du 10 juin 2002, relative au rapprochement des législations des Etats membres concernant les compléments alimentaires,a été reprise dans la directive européenne 2006/37/ CE et dans le décret 2006-352 du 20 mars 2006 publié au JO du 25 mars 2006.Elle a donné la définition de ce qu'était et de ce que devait contenir ou non un complément alimentaire : « On entend par
compléments alimentaires, les denrées alimentaires dont le but est de compléter le régime alimentaire normal et qui constituent une source concentrée de nutriments ou d'autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique seuls ou combinés,commercialisés sous forme de doses destinées à être prises en unités mesurées de faible quantité. » Les compléments nutritionnels et les suppléments nutritionnels sont des compléments alimentaires, aucun d'eux ne peut avoir la dénomination de médicament.


LES SUBSTANCES NUTRITIONNELLES AUTORISÉES
L'arrêté du 9 mai 2006 donne une liste positive des substances nutritionnelles autorisées pour les compléments alimentaires :
● des vitamines :les liposolubles (A,D,E, K) et les hydrosolubles (B1, B2, B3, B5, B6, B8, B9, B12 et C) ; la vitamine K est exclue ;
● des minéraux et oligoéléments :calcium, chrome,cuivre, fer, fluorure, iode,manganèse,
magnésium,molybdène,phosphore, potassium,sélénium,sodium,zinc… ;
● des acides aminés ;
● des acides gras essentiels ;
● des antioxydants ;
● des polyphénols ;
● des extraits de plantes : sont exclues les plantes dont l'usage est strictement médicamenteux,celles-ci étant soumises à la réglementation des médicaments.


L'ÉTIQUETAGE
La législation européenne impose de mentionner en clair la mention « complément alimentaire », de préciser les substances contenues,ainsi que la dose quotidienne à ne pas dépasser. La législation européenne exige une harmonisation de l'étiquetage des produits identiques au travers de l'Europe, pour une meilleure information du consommateur.L'étiquetage des compléments alimentaires doit contenir :
● la mention "complément alimentaire" ;
● la catégorie des nutriments, du complément et/ou le nom des nutriments ; la quantité de chaque nutriment sous forme numérique et sous forme de pourcentages par rapport à la ration journalière recommandée par les instances sanitaires ;
● la portion journalière de produit recommandée et un avertissement sur les risques pour la santé en cas de dépassement de celle-ci ;
● une déclaration indiquant que le complément ne se substitue pas à un régime alimentaire varié ;
● la mention « Ceci n'est pas un médicament »,lorsque la présentation du produit est comparable à celle d'un médicament ;
● un avertissement indiquant que les produits doivent être tenus hors de portée des jeunes enfants.


L'étiquetage des compléments alimentaires ne doit pas :
● contenir de mentions attribuant au produit des propriétés de prévention, de traitement ou de guérison d'une maladie humaine ;
● mentionner que les compléments pourraient remplacer une alimentation saine et équilibrée.


DES PRODUITS TRÈS ENCADRÉS AU NIVEAU EUROPÉEN
Lors d'une mise sur le marché d'un complément alimentaire,le fabriquant ou l'importateur
d'un produit fabriqué hors frontières est dans l'obligation d'en informer l'autorité de surveillance sanitaire du pays où le produit sera commercialisé et doit aussi lui faire parvenir l'étiquetage du produit.


Les Etats membres ne peuvent pas interdire ou restreindre le commerce des compléments alimentaires conformes à la directive et aux mesures qui la mettent en oeuvre,sauf si,sur la base de nouvelles données ou d'une nouvelle évaluation des données existantes,ils constatent que les produits présentent un danger pour la santé publique. Dans ce cas, ils en informent les autres Etats membres et la Commission européenne. Celle-ci, assistée du Comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale, donnera son avis et décidera,éventuellement, de la modification de la directive et/ou
des actes la mettant en oeuvre. La Commission est assistée,selon la procédure de réglementation,par le Comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale dans la mise en oeuvre de la directive. Prochainement, la Commission présentera un rapport et des mesures appropriées concernant d'autres catégories de nutriments (ayant un effet nutritionnel ou physiologique),utilisés dans les compléments alimentaires,comme les acides gras essentiels, les fibres, les plantes, les herbes aromatiques et leurs extraits,qui ne sont pas concernés par la directive de 2006.


NI ALIMENTS, NI MÉDICAMENTS
Les compléments alimentaires définis comme des denrées alimentaires peuvent être présentés en ampoules,comprimés, gélules, pastilles, sachets. Ainsi, ces présentations
ne leur donnent pas la dénomination d'aliments au sens de Trémolières : « Un aliment est une denrée alimentaire comestible nourrissante, appétente et coutumière. »
Pour les instances officielles, les compléments alimentaires ne sont pas des médicaments. Ils sont considérés comme un complément de l'alimentation courante en palliant les insuffisances d'une alimentation mal équilibrée. On considère qu'ils n'ont pas d'effet thérapeutique. Les compléments alimentaires ne doivent pas être confondus avec les compléments à base d'hormones et d'anabolisants, qui sont classés dans la
catégorie du dopage chez le sportif.


SONT-ILS NÉCESSAIRES ?
Certains croient en leurs vertus,d'autres doutent encore,même si de nombreuses études et interventions ont été faites sur leur intérêt en médecine et en médecine du sport, surtout cette dernière décennie.
Ils peuvent être utilisés pour palier aux carences induisant une fatigue avec défaut de récupération. Ils doivent accompagner l'apprentissage de règles hygiénodiététiques, avec limitation du tabac et de l'alcool, une hydratation correcte, le respect des stades d'entraînement pour éviter le surentraînement, le respect d'une bonne hygiène de sommeil. Dans certains cas, il faudra instaurer un suivi médical plus rapproché.
Dans les pratiques sportives intenses et de haut niveau,ils sont tout à fait justifiés.Par exemple, dans certains sports, le système antioxydant est fortement sollicité : des compléments alimentaires permettent une meilleure récupération et peuvent éviter des lésions cellulaires et musculaires.

SONT-ILS SANS RISQUES ?
Pour beaucoup, le risque de survitaminose est considéré comme minime.Leur argument réside dans le fait que les vitamines apportées par les compléments alimentaires ne sont pas assimilées à 100 % et que l'observance parfaite du consommateur est rare.
Mais les sportifs sont très observants et,surtout, ils consomment plusieurs produits à la fois à longueur d'année,souvent délivrés dans les salles de sports via des circuits parallèles ou commandés via Internet, c'est à-dire en dehors de toute législation européenne.Certains produits contiennent souvent des doses étiquetées comme apportant jusqu'à 300 à 700 % des AJR (apports journaliers recommandés),d'autres peuvent contenir des contrefaçons,voire des impuretés. J'ai diagnostiqué,chez un patient américain qui prenait des compléments,un cancer du rein.L'étude de ces compléments a mis en évidence la consommation quotidienne de 5 produits achetés aux USA et via Internet,dont un apportait 700 % de plus de vitamine B12.Quand on connaît son puissant rôle dans le développement cellulaire des tissus à fort potentiel de multiplication comme les tissus tumoraux ,on peut se demander l'imputabilité de son traitement.
Combien de patients ne nous parlent pas de leur automédication,car pour eux il ne s'agit pas de médicaments ? Ils craignent également nos railleries.Aucune étude n'a été faite sur cette population qui consomme quotidiennement des compléments alimentaires bien au-delà des AJR.


LES HYPERVITAMINOSES CONNUES
Dans les compléments alimentaires, ce sont les hypervitaminoses qui sont les mieux connues. L'excès en acides aminés et protéines est facilement dépistable et avoué,car le sportif les utilise comme un traitement plus ponctuel.
On a longtemps crû que les surcharges étaient le fait des vitamines liposolubles et qu'il n'y avait pas de possibilité de surcharges de l'organisme en vitamines hydrosolubles du fait de leur facilité d'élimination. Mais on voit apparaître des pathologies de surcharge du fait d'une consommation excessive.

La vitamine A
L'hypervitaminose A est le fait d'erreurs nutritionnelles ou de la prise non médicalisée
de vitamine A. La surcharge en vitamine A peut induire deux tableaux :
1. l'hypervitaminose aiguë est rare, elle donne des signes d'hypertension intracrânienne
 : céphalée occipitale avec vomissements, troubles de la coordination et irritabilité ;
2. l'intoxication chronique est plus à craindre :les signes sont plus diffus, mais chroniques,comme des troubles cutanés (peau sèche desquamant facilement,prurit, alopécie, hyperpigmentation), des troubles du comportement et neurologiques à type d'irritabilité et de fatigue ;
une diplopie inexpliquée, des douleurs articulaires, une hyperostose, une leucopénie
peuvent être le témoin d'une intoxication chronique ;plus graves sont les troubles hépatiques avec vomissements, parfois même le développement d'une cirrhose ; la vitamine A peut avoir des effets toxiques chroniques sur le foie lorsqu'elle est administrée à des doses de 10 à 20 fois l'ANC ;par contre,il n'y a pas de surdosage pour la pro-vitamine A.

La vitamine D
Les hypervitaminoses ont été décrites pour des consommations de doses 10 à 20 fois supérieures aux recommandations. Les effets toxiques peuvent avoir des conséquences graves. Cliniquement, le tableau peut être celui d'une hypervitaminose aiguë :
● anorexie avec nausées et perte de poids ;
● troubles digestifs comme une constipation ;
● soif avec déshydratation ;
● syndrome polyuro-polydipsique ;
● insuffisance rénale fonctionnelle ;
● hypercalcémie, hypercalciurie.

Chez l'enfant, il peut y avoir un arrêt de la croissance. A long terme, le surdosage chronique entraîne une hypercalcémie. L'excès de calcium au niveau des reins et des voies urinaires peut être à l'origine d'une néphrocalcinose ou de lithiases avec, et à
plus ou moins brève échéance,une azotémie avec insuffisance rénale irréversible. Il peut se déposer aussi au niveau des tendons, des muscles et des parois vasculaires. La fatigabilité avec asthénie et l'hypertension artérielle peuvent être reliées à une hypercalcémie.
Une hypervitaminose D pendant une grossesse peut être à l'origine d'anomalies chez l'enfant du fait de l'hypercalcémie du bébé.


La vitamine E
Il ne semble pas que des excès de vitamines E puissent être à l'origine de troubles pathologiques. L'excrétion biliaire importante semble protéger l'organisme du surdosage.Mais il existe peu d'études sur l'utilisation prolongée de fortes doses de vitamine E. De rares accidents ont été signalés pour des apports de l'ordre de 1 200 mg/j avec augmentation de la créatinurie, potentialisation de la vitamine K accompagnée
d'accidents hémorragiques.


La thiamine ou vitamine B1
Elle a une très faible toxicité. L'administration à forte dose entraîne un effet
diurétique préférentiellement d'origine centrale.


La niacine ou vitamine B3
La dose de sécurité a été fixée à 33 mg par jour,en plus des 17 mg apportés par
l'alimentation. Peuvent survenir, pour des doses supérieures ou égales à 100 mg,une vasodilatation cutanée avec réaction de type flush, du fait de la libération d'histamine.A long terme, peuvent se développer une hépatotoxicité et un ictère cholostatique. A partir de 750 mg, l'effet toxique peut léser plusieurs organes.


La pyridoxine ou vitamine B6
Elle présente une absorption avec passage très facile.A long terme, l'apport chronique en quantité importante, de l'ordre de 2 à 4 g par jour chez l'adulte, entraîne des effets neurotoxiques périphériques avec la possibilité de neuropathie purement sensitive,avec ataxie et troubles de la mémoire. Elle est curable avec l'arrêt du traitement. On considère qu'il peut y avoir des signes de neuropathie pour des doses de 50 mg par jour. Il faut 6 mois pour que les signes de neuropathies disparaissent, mais des troubles résiduels peuvent persister. La dose limite de sécurité, ou DLS, est
située à 5 mg par jour si on compte un apport journalier alimentaire de 1,9 mg.


L'acide folique ou vitamine B9
La toxicité neurologique peut apparaître à partir de 5 mg/j, les signes étant les mêmes que ceux observés lors de la carence. La dose limite de sécurité a été fixée à 1 mg/j, soit 2 à 3 fois les ANC. L'administration d'acide folique peut être toxique lorsqu'elle masque une carence en vitamine B12, responsable à terme de lésions neurologiques irréversibles.


La cyanocobalamine ou vitamine B12
Pour des posologies élevées, il y a risque de poussée évolutive d'une tumeur maligne, du fait de l'action spécifique de la vitamine B12 sur la croissance des tissus à taux de
multiplication cellulaire élevé.


La vitamine C
La dose de sécurité est fixée à 500 mg/j. Au-delà, la surcharge en vitamine C peut être à l'origine de calculs rénaux d'oxalates formés à partir de l'acide ascorbique, et d'une fragilité digestive liée à l'acidité de l'acide ascorbique.On évoque une possible
activité pro-oxydante pour des doses supérieures à 500 mg/l. Il n'y a pas de dépôts de vitamine C dans l'organisme, puisque au-delà de 1 g par jour, elle est excrétée par les voies urinaires.
On a montré qu'il pouvait exister une accoutumance à la vitamine C, avec des réactions de carence lors de l'interruption de l'ingestion de la supplémentation.


CONCLUSIONQue l'on soit adepte ou non de la prescription des compléments alimentaires, on ne peut nier que nos patients sportifs en consomment régulièrement.A nous de les encadrer et de les orienter vers des choix judicieux,en étant fermes pour interdire la consommation de produits commandés, via Internet, à des sociétés étrangères, ou vendus sous le manteau
dans les salles de sports. Pour ces produits, il y a des risques non seulement qu'ils contiennent des substances non autorisées, mais aussi des contrefaçons.
Ces filières ont aussi un pouvoir de forte sollicitation pour inciter à la consommation
d'autres produits, comme l'hormone de croissance ! Il faut savoir interroger nos patients sportifs, à chaque consultation, sur tous les produits consommés, de manière à dépister les excès,et leur donner une information de prévention des risques.

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